Qui est vraiment l'auteur de l'Évangile selon Jean?

Évangiles

L’auteur du quatrième évangile a une manière singulière de nous révéler son identité: le disciple que Jésus aimait. Ce personnage mystérieux s’identifie clairement comme l’auteur du texte en Jean 21.20 et 24-25. La tradition a presque toujours reconnu Jean, le fils de Zébédée, l’apôtre du Seigneur Jésus-Christ derrière cette appellation. Est-ce que la tradition a raison? Faisons le tour des arguments:

Le disciple que Jésus aimait

Le disciple que Jésus aimait apparaît quatre fois dans le texte: premièrement en Jean 13.23, lors du dernier souper de Jésus. C’est lui qui demande à Jésus d’identifier le traître. Deuxièmement, en Jean 19.26-27, il se trouve au pied de la croix et Jésus lui confie sa mère. Troisièmement, en Jean 20.2-9, il est l’un des premiers témoins du tombeau vide. Et quatrièmement, en Jean 21, il est celui qui identifie Jésus sur la place et il s’identifie lui-même comme l’auteur du livre. On peut noter qu’en Jean 13, en Jean 20 et en Jean 21, Pierre est présent et qu’il prend une place importante dans le déroulement de l’action.

Il nous faut mener l’enquête et procéder par recoupement pour identifier cet homme.

L’argument de Jean 21

En Jean 21.2, une liste précise d’individus est dressée: Pierre, Thomas, Nathanaël, les fils de Zébédée (nommés Jacques et Jean en Matthieu 4.21) et deux autres disciples. Le disciple que Jésus aimait appartient donc logiquement à cette liste de 7 personnes.

L’argument de Jean 13 et l’apport des synoptiques

En Jean 13.23, Jésus vient d’affirmer que l’un des disciples le trahira. Le même événement est relaté par les autres évangiles. Il s’agit du moment où Jésus institue la cène. Or, les autres évangiles sont catégoriques quant à l’identification des personnes présentes: Matthieu 26.20, Marc 14.17 et Luc 22.14 (ici, il y a une variante textuelle) disent explicitement qu’il s’agit des Douze. Or, ces Douze sont, là aussi, clairement nommés en Matthieu 10.2-4, Marc 3.16-19, Luc 6.14-16 et Actes 1.13: Simon (Pierre), André, Jacques, Jean (celui qui nous intéresse), Philippe, Barthélémy, Thomas, Matthieu, Jacques (un autre Jacques), Thaddée, Simon (un autre Simon) et Judas (le traître). Entre les 4 listes, il y a seulement un cas spécial: Thadée qui est parfois appelé Thadée, parfois Jude, on peut donc raisonnablement comprendre que le même homme se faisait appeler de deux manières. Le disciple que Jésus aimait doit donc être trouvé parmi ces douze hommes.

Le cas de Lazare

En Jean 11.3, Jésus reçoit un message des sœurs de Lazare (Marthe et Marie) lui disant: “Seigneur, celui que tu aimes est malade.” Certains ont imaginé que le disciple que Jésus aimait devait donc être Lazare. Mais Lazare n’est jamais mentionné parmi les douze, il doit donc être mis de côté.

Un processus de déduction

Le quatrième évangile nomme plusieurs apôtres, parfois à de nombreuses reprises, pour la liste qui suit, je ne mentionne qu’une seule référence: Pierre (en Jn 1.40), André (Jn 1.40), Philippe (Jn 1.43), Thomas (Jn 11.16), Thaddée-Jude (probablement en Jn 14.22) et Judas (Jn 6.71). On peut imaginer que l’auteur du quatrième évangile, qui prend grand soin de ne pas se nommer lui-même, ne fait probablement pas partie de ceux-là. Il reste donc les deux Jacques, Jean, Barthélémy, Matthieu, Simon (non pas Pierre, mais l’autre Simon).

Le cas de Jacques, l’autre fils de Zébédée

On estime généralement que le quatrième évangile a été rédigé à la fin du premier siècle. Il se trouve qu’Actes 12.2 précise que Jacques, le frère de Jean, est mort martyre très tôt. Il ne peut donc pas être l’auteur de l’Évangile.

Entrons dans le domaine des hypothèses

À partir de là, nous quittons le domaine des données bibliques pour entrer dans le domaine des hypothèses. Il s’agit de déterminer, parmi les cinq candidats restants (Jean, Jacques fils d’Alphée, Barthélémy, Matthieu et Simon le zélote) qui est le plus probablement le disciple que Jésus aimait.

Passons en revue trois arguments pour affiner encore l’identification.

Une question de proximité

On peut observer une proximité particulière entre Jésus et Jean d’un côté et entre Jésus et le disciple qu’il aimait de l’autre. Analysons la relation Jésus/Jean, puis la relation Jésus/disciple qu’il aimait.

Entre Jésus et Jean, on notera ceci: Jean faisait partie des premiers disciples de Jésus en Matthieu 4.18-22 (il y a deux fratries composées de Pierre et André et de Jacques et Jean). Plus tard, Jean fait partie du cercle très restreint (avec Pierre et son frère Jacques) assistant à la transfiguration (Mt 17.1-2). Les deux frères sont nommés "fils du tonnerre" en Marc 1.17. On ne sait pas très bien pourquoi Jésus les nomment ainsi, mais ce détail laisse imaginer une relation particulière. À nouveau, Pierre, Jacques et Jean sont mis à part par Jésus pour assister à la résurrection de la fille du chef de la synagogue en Marc 5.37. En Marc 9.38, on a l’impression que Jean est celui des disciples qui ose poser la question que tous se posent concernant d’autres personnes qui chassaient des démons. Jean et Jacques demandent à Jésus d’être à sa gauche et à sa droite dans la gloire en Marc 10.35-37. Pierre, André, Jacques et Jean posent ensemble une question d’eschatologie en Marc 13.3-4. Encore une fois, Pierre, Jacques et Jean sont les trois disciples présents aux côtés de Jésus dans le jardin de Gethsémané en Marc 14.33. Pierre et Jean sont envoyés par Jésus pour préparer la dernière Pâques en Luc 22.8.

En ce qui concerne la relation entre Jésus et le disciple qu’il aimait, on notera ceci: Ce disciple est le plus proche physiquement au moment du dernier repas. Il est aussi celui qui pose la question de la part de Pierre au sujet de celui qui le trahira. Il est le seul des douze apôtres se trouvant au pied de la croix lors de la crucifixion. Il est celui auquel Jésus confie la responsabilité de sa mère. Il est, avec Pierre, l’un des deux premiers témoins du tombeau vide.

En plus de ces liens avec Jésus, nous pouvons encore mentionner les liens entre Jean et Pierre d’un côté et les liens entre le disciple que Jésus aimait et Pierre de l’autre: Pierre et Jean sont ensemble lors de la guérison de l’homme en Actes 3. Ils sont arrêtés ensemble en Actes 4. Ils sont envoyés par les autres apôtres lorsque l’Évangile se répand en Samarie en Actes 8. Ce sont Pierre, Jacques et Jean qui ont validé le ministère de Paul (Ga 2.9).

Ce petit tour d’horizon met en évidence le fait que Jésus et Pierre étaient à la fois très proches de Jean et très proches du disciple que Jésus aimait. Il est probable que ces deux personnages ne fassent qu’un.

À l’opposé, les 4 autres candidats ne sont pas très visibles: Jacques, fils d’Alphée n’apparaît que dans les listes des douze. Il en va de même pour Barthélémy. Certains ont pensé que Barthélémy et Nathanaël étaient une seule et même personne. Si cela devait être le cas, il ne pourrait être l’auteur du quatrième évangile étant donné qu’il est expressément nommé en Jean 21 et qu’il n’est pas le disciple que Jésus aimait. Matthieu a écrit un évangile, mais en dehors de cela, il est assez discret dans le Nouveau Testament. On sait seulement qu’il était collecteur d’impôts. Il doit probablement être identifié à Lévi d’après Marc 2.14 où il est nommé "fils d’Alphée". Il est donc peut-être le frère de Jacques. Finalement, Simon le zélote n’apparaît que dans les listes des apôtres.

Une question de parallèles

Si Jean, le fils de Zébédée, l’Apôtre de Jésus-Christ, est bien l’auteur du quatrième évangile, on pourrait s’attendre à voir des parallèles entre le quatrième évangile et les autres écrits johanniques. Il faudrait ici une étude approfondie pour dégager l’ensemble des parallèles, mais voici juste quelques éléments que j’ai pu glaner au cours de ma lecture personnelle de ces différents écrits:

En Jean 4, Jésus promet à la femme de Sychar qu’il peut lui donner "l’eau de la vie". Le seul autre endroit dans le Nouveau Testament où l’on trouve cette expression est dans le livre de l’Apocalypse (aux chapitres 21 et 22).La notion de témoignage et en particulier de témoignage de la vérité est un thème qu’on retrouve presque exclusivement dans le quatrième évangile et dans les épîtres de Jean. La même expression, "personne n’a jamais vu Dieu", se retrouve dans le quatrième évangile et dans 1 Jean. De manière plus générale, l’idée que le Fils seul peut révéler le Père parce qu’il vient du Père est présente dans le quatrième évangile et dans les épîtres de Jean. L’importance d’être un témoin visuel, pour Jean, est importante. On notera ici Jean 21.24, 1 Jean 1.1 et Apocalypse 22.8.

Il y aurait probablement bien d’autres parallèles à faire entre ces écrits. Si 1, 2 et 3 Jean et Apocalypse sont bien de la plume de l’apôtre, il est a minima possible que le quatrième évangile le soit aussi.

Une question d’histoire

Finalement, on citera le témoignage des pères de l’Église. Là encore, il faudrait une étude approfondie pour relever les indices, chez les pères de l’Église, renforçant l’idée que l’apôtre Jean serait l’auteur du quatrième évangile. Je me contenterai ici d’une seule citation, mais d’une citation d’une grande importance. L’un des disciples de l’apôtre Jean était Polycarpe, et l’un des disciples de Polycarpe était Irénée. Voici ce qu’Irénée a dit au sujet de Jean au début du troisième tome de son œuvre Traité contre les hérésies:

Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l’Évangile, tandis qu’il séjournait à Éphèse.

Irénée, Traité contre les hérésies, Livre 3

Manifestement, pour Irénée, petit-fils spirituel de l’Apôtre Jean, il ne fait aucun doute que Jean est l’auteur d’un Évangile.

Conclusion

Nous sommes au bout de notre enquête. Jean, le fils de Zébédée, l’Apôtre du Seigneur Jésus-Christ, est très probablement l’auteur du quatrième évangile. Si on ne peut l’affirmer catégoriquement, on peut au moins affirmer qu’un écrasant faisceau de preuves étaye ce que l’Église a affirmé tout au long de son histoire.

Pourquoi est-ce important?

Il nous reste à nous poser la question du pourquoi. Pourquoi cette question est-elle importante? La raison principale est la relation privilégiée que Jean entretenait avec Jésus. Jean est probablement l’homme qui a le mieux connu le Christ au moment de son passage sur la terre, son témoignage a donc une valeur inestimable. Si l’Apôtre Jean est bien l’auteur du quatrième évangile, ce texte est donc un témoignage de premier ordre de l’enseignement, de la vie et de l’accomplissement de la mission de notre Seigneur. Cela devrait nous encourager à lire l’Évangile selon Jean encore et encore pour connaître Jésus davantage.


Pour aller plus loin:

Jonathan Meyer

Jonathan Meyer est pasteur à l’Église de l’Action Biblique de la Servette à Genève. Il est marié et père de 4 enfants. Passionné par la lecture de la Parole, Jonathan a créé un plan de lecture de la Bible en 3 ans à suivre avec son Église locale.

Ressources similaires

webinaire

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Orateurs

P. Denault