J'ai vu "Dieu n'est pas mort"

Culture et artsVision chrétienne du mondeCritique de film

L’année 2014 a été déclarée « L’année des films chrétiens » par de nombreux journaux. On pense notamment à Noah (dont j’avais déjà parlé), Son of God, Exodus (à venir)… et Dieu n’est pas mort. Comme j’ai vu des gens partager des liens sur Facebook à propos du film, je me suis dit qu’il fallait voir ce film au parti pris résolument apologétique. Voilà ce que j’en ai pensé.

L’histoire

Le film suit plusieurs personnages, dont les histoires sont entremêlées. Josh, le personnage principal, a tout juste débarqué dans son université. En première heure de son cours de philosophie, Radisson, le professeur, demande aux élèves de signer un papier disant que Dieu est mort (God is dead) pour éviter de passer un trimestre sur la question de l’existence de Dieu. Mais Josh, qui est chrétien, refuse de le faire. Le professeur Radisson, athée convaincu, lui propose alors de défendre sa foi devant les élèves qui, à l’issue des trois présentations de 20 min de Josh, décideront de quel côté ils se rangent.

En parallèle, nous suivons les péripéties d’Amy, une blogueuse qui sort avec Marc, un homme d’affaire froid, un goujat. Marc est le frère de Mina, la petite amie du Professeur Radisson, le professeur athée. Nous suivons également Ayisha, jeune femme d’origine musulmane, convertie en secret au christianisme et le Révérend Dave, qui reçoit pour quelques jours son ami, le Révérend Jude.

Au risque de spoiler méchamment, je resterai juste sur cette vague et sommaire description.

Ce que j’ai pensé du film:

Comme je voulais être sûr de ce que je pense, j’ai décidé de le regarder deux fois: la première fois je l’ai regardé seul, la deuxième fois je l’ai regardé avec des jeunes du groupe de jeunes de l’Église où je suis actuellement. Je voulais confronter ma vision à la leur, dans leur culture et dans leur langue.

À qui s’adresse ce film?

La première question qu’on devrait poser devant n’importe quel film, ou livre, ou pièce de théâtre, ou pub ou quoi que ce soit (même un passage biblique par exemple) c’est: À qui s’adresse ce que je vois, quel est le public? Si on ne connait pas le public, on peut se tromper sur le sens de ce que l’on voit.

Et c’est là le premier défaut de ce film. On n’arrive pas à décider s’il s’adresse en premier à des chrétiens ou à des non-chrétiens. En fait, on a l’impression que le film s’adresse aux deux publics: il cherche à encourager les chrétiens à défendre leur foi et en même temps à répondre aux questions des non-chrétiens. On pourrait très bien regarder le film entre chrétiens, ou vouloir inviter des non-chrétiens, pour qu’ils entendent le message de l’Évangile et des réponses à leurs questions.

Le problème, c’est qu’en général —pour ne pas dire toujours— si on veut parler à deux publics différents en même temps, ça ne marche pas. Soit on parlera à l’un particulièrement et l’autre sera largué, soit on essaiera de parler aux deux pour ne finalement parler à personne. C’est un mythe de la communication de croire que l’on peut parler à tout le monde en même temps de la même manière. Toutes les formes de communication sont ciblées: la pub s’adresse à un public cible, les histoires sont écrites différemment selon les lecteurs et même nous, nous parlons différemment, que ce soit avec nos amis, nos parents ou nos professeurs.

Le fond et la forme

Pour apprécier un film, il faut se poser des questions sur le fond et sur la forme. Pour qu’un film soit réussi, il faut qu’il soit au moins au niveau du standard des productions actuelles. Si le film est mal fait (mal réalisé, mal tourné, mal écrit, mal monté, mal étalonné…), le film sera mauvais, même si l’histoire tient la route. C’est donc avec ces critères que j’ai regardé « God’s Not Dead ».

Concernant la forme, le film est plutôt bien fait. L’image est bien faite et malgré quelques maladresses dans le cadrage et quelques effets superflus, on peut regarder le film sans plisser des yeux, ce qui devrait être normal pour tout film mais qui est malheureusement rare dans l’industrie des films « chrétiens » (fait par des chrétiens). Je pourrais faire un article là-dessus, mais disons juste que le film est dans l’ensemble plutôt bien réalisé.

Concernant le fond… c’est là que le bât blesse. Le film est maladroit, pas crédible, prédictible.

L’histoire et les personnages

L’histoire et les personnages souffrent tous les deux d’une simplicité —ou plutôt d’un simplisme— qui rend tout le film non crédible. Les personnages sont traités de manière binaire: les chrétiens sont gentils, les athées sont méchants, dépourvus de toute morale. Non seulement c’est un problème au niveau de l’écriture, mais encore au niveau de la vérité; les choses ne sont pas si simples. Il y a des athées qui ont une morale (on pourrait en parler aussi) et des chrétiens qui n’en ont —malheureusement— pas beaucoup. Les problèmes personnels sont traités eux aussi avec une simplicité qui, en plus de ne pas coller avec la réalité, fait passer la vie chrétienne pour ce qu’elle n’est pas: un long fleuve tranquille. En vrai, la vie c’est compliqué, que l’on soit chrétien ou non. Les problèmes —et les solutions surtout— ne sont pas les mêmes certes, mais dans ce monde là, totalement dépravé, la vie n’est pas simple.

En plus d’être non crédible, ce simplisme rend le film prédictible. Et c’est un problème parce que là encore, si c’est prédictible, c’est 1) mal écrit et 2) peu probable. Le film décrit la réalité dans une sorte d’idéal où tout le monde serait conquis par les discours d’un jeune étudiant, où un simple étudiant pourrait s’imposer sans difficulté devant un professeur athée militant, où les personnes se convertiraient de manière presque automatique… On sait ce qui va arriver parce que c’est ce qu’on aimerait voir arriver. Cela pourrait nous encourager mais je pense que l’effet est contraire. En dépeignant un idéal peu réaliste, le film enferme le spectateur dans une fausse image de la réalité.

Conclusion

Je rêve d’un film —de bons films— qui nous permettrait d’échanger avec nos amis. Des films qui véhiculent des idées, à partir desquels nous pourrions créer des ponts. Des films qui serviraient de base à des conversations plus vraies et plus profondes. « God’s not dead » est tellement maladroit et mono-couche qu’on a finalement pas grand chose à dire de plus… Je n’aurais pas envie d’inviter mes amis non chrétiens à voir ce film. Les personnages —chrétiens et non chrétiens— sont traités de manière caricaturale: incomplète et non réaliste.

Je rêve de films où l’on verrait ce que c’est d’être chrétien, avec son lot de difficultés, ses victoires et ses défaites, où la foi n’est pas réduite à un comportement binaire mais embrasse toutes les subtilités de la vie sous le soleil…

En bref, je rêve de vraies histoires, qui ressemblent à la vraie vie et qui nous permettraient de parler du vrai Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ!

MAJ du 20.09.2017: Je republie cet article écrit en 2014 pour la sortie du film en France.

Matthieu Giralt

Matthieu Giralt est cofondateur du ToutPourSaGloire.com. Il est pasteur dans l’Est de la France. Il est titulaire d’un DNSEP de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux, et d’un Master de recherche de la Faculté Jean Calvin. Il est le mari d’Alexandra, ils ont deux fils.

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Orateurs

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