Limiter la pornographie?

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**Dans un billet précédent, je vous parlais d’Alain de Botton, qui expliquait ce qu’il avait appelé « L’Athéisme 2.0 ». Dans un récent article, il est revenu sur un tout autre sujet, à savoir la pornographie. Il défend une position très intéressante.
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Dans cet article, que j’essaierai de vous résumer, de Botton pose une question pour le moins surprenante – du moins par les temps qui courent: Doit-on limiter la pornographie? Il ne pose pas la question directement comme cela mais commence par se demander s’il est possible que nous ayons trop de liberté ou que nous en usions mal. Le point de vue normal, dit-il, est que chacun fait ce qui lui plaît et peut librement regarder autant de porno qu’il veut, on est dans un pays libre, conclut-il ironiquement.

Mais pour questionner la liberté, de Botton va reprendre le théologien et philosophe Saint Augustin, qui définit la liberté autrement. Pour lui, la liberté n’est pas une licence sans limite mais l’accès à tout ce qui est nécessaire à une vie épanouie et la protection de tout ce qui peut la nous gâcher (la référence manque dans l’article original).

La pornographie dit-il, est extrêmement tentante pour beaucoup, comme le sont l’alcool et le crack. Et c’est un problème. Dans ce parallèle avec des addictions à des drogues, de Botton fait un lien direct entre pornographie, addiction et nocivité. Le cerveau de l’homme (male gender) est faible et ne peut pas y résister.

Deuxième problème, nous sommes vulnérables et ce que nous lisons et voyons nous atteint. L’auteur demande alors s’il n’est pas préférable d’accepter une limite théorique à notre liberté dans certains contextes, pour notre bien-être et notre épanouissement. Cette liberté sans fond peut nous piéger dit-il, et nous devons, dans nos moments de lucidité, nous faire l’énorme faveur de nous limiter, surtout quand il s’agit de pornographie sur Internet.

De fait, comme l’alcool et la drogue, le porno réduit notre capacité à endurer les souffrances de la vie, en particulier ce qu’il appelle deux biens ambigus: l’anxiété et l’ennui. Ces deux sentiments, états, sont importants selon l’auteur et tendent à disparaitre par une consommation sans limite de pornographie. La pornographie est un des outils de distraction les plus puissants jamais inventés et permet de supprimer ou d’affaiblir l’anxiété, état qui nous permet de ressentir que quelque chose manque, même si les signaux sont confus. L’ennui est lui nécessaire comme espace pour notre créativité, ce qu’il appelle un ennui créatif.

La suite est encore plus intéressante. L’auteur va maintenant parler des religions et des rapports qu’elles entretiennent avec la sexualité. « Seules les religions prennent encore le sexe très au sérieux », parce qu’elles ont compris le potentiel danger qu’il peut représenter. Et de Botton s’attaquera bientôt à la pensée séculière. Selon lui, le monde séculier n’a pas de problème avec les bikinis et la provocation sexuelle parce qu’il ne croit pas que la sexualité ou la beauté peuvent avoir une emprise sur nous. Et à ceux qui accusent les religions d’être prudes, il répond que les religions sont conscientes du pouvoir du désir. Les religions ne pourraient pas penser que le sexe est mauvais si d’un autre côté elles ne concevaient pas que le sexe soit merveilleux. De plus, elles savaient que le sexe peut se mettre sur le chemin de choses plus importantes et précieuses, comme Dieu ou la vie.

En conclusion, de Botton précise qu’il ne faut pas nécessairement croire en Dieu pour concevoir qu’une certaine mesure est requise pour notre société de bien fonctionner. Nous ne pouvons pas laisser nos pulsions sexuelles s’exprimer sans limites, au risque qu’elles nous détruisent.

Dans son argumentaire, de Botton met en avant la manière de voir des religions, du moins certaines ou certains aspects, pour dégager ce qu’il avait introduit avec la notion de liberté. Le sexe, comme les drogues peut nous asservir, nous contrôler, et se mettre au-dessus de Dieu. Son article décrit un phénomène bien connu des chrétiens, ce que la Bible appelle l’idolâtrie.

Pour aller plus loin:

  • [ENG] Je vous conseille la lecture de Tim Challies qui revient sur cette notion de liberté dans un article intitulé « Quand la liberté est captivité ».
  • [ENG] Aussi cet article, paru dans le journal anglais The Telegraph qui pose un constat accablant sur le rapport qu’entretiennent les enfants avec la pornographie, qui fait froid dans le dos.
  • [ENG] Enfin, je vous invite à aller voir cette vidéo, qui présente le travail de Unearthed dont la mission est d’éradiquer l’exploitation sexuelle. Comment? En attaquant le problème à la racine: le cœur humain.

Crédit image:  Resurgence.

Matthieu Giralt

Matthieu Giralt est le directeur de ToutPourSaGloire.com. Il est pasteur dans l’Est de la France. Il est titulaire d’un DNSEP de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux, et d’un Master de recherche de la Faculté Jean Calvin. Il est le mari d’Alexandra, ils ont deux fils.

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