Livre: Art for God's sake

Culture et arts

Que dit Dieu à propos de l’art? Peut-on être chrétien et artiste? Quel est l’impact de l’art sur votre Église? Ce sont les questions auxquelles Philip Graham Ryken, le président de Wheaton College, a répondu dans un petit livre Art for God’s sake. Cette semaine, Myriam et moi livrons nos impressions, dans cet article à quatre mains.

La quatrième de couverture explique:

La Création chante avec nous la beauté visuelle de l’ouvrage de Dieu. Mais qu’en est-il de l’art fait par l’homme? La plupart est dépourvu de beauté sacrée et souvent rejeté par les chrétiens. Les artistes chrétiens peinent à trouver une place à l’intérieur de l’Église.

Si toute la vie est vue comme étant « sous la souveraineté de Christ », pouvons-nous redécouvrir quel est le plan de Dieu concernant les arts? Philip Graham Ryken amène une vision biblique précise des arts et des artistes qui font de l’art pour l’amour de Dieu. Il traite de manière concise et pourtant complète la question majeure de l’art pour tous ceux qui cherchent des réponses.

Artiste et chrétien, quelle situation?

La question clé: quel espoir procure l’Évangile à quelqu’un qui éprouve un désir de création artistique? À partir du récit du chapitre 31 de l’Exode qui rapporte la désignation des ouvriers du sanctuaire, Ryken montre qu’être artiste est une vocation reçue de Dieu et qu’elle sous-tend une habileté particulière offerte par lui. Voilà qui prémunit de toute vanité. Mais, surtout, il insiste: l’art n’est pas seulement une affaire de mains ou de technique. L’artiste a autant besoin de perspicacité spirituelle que d’habileté manuelle. L’œuvre de Betsaléel et d’Oholiab, les ouvriers du sanctuaire, était le fruit de toute leur personne, cœur et esprit, pas de leurs seules mains.

Cependant, l’apport déterminant pour moi du livre Ryken sur la situation de l’artiste a été l’analyse qu’il propose du chapitre premier de la Genèse. En fait, cela concerne d’ailleurs tous les hommes, pas uniquement ceux qui reçoivent spécifiquement la vocation de créer. On rappelle souvent que Dieu a créé l’homme à son image (Gn 1.27) et on mentionne quantité de caractéristiques de Dieu dont l’homme est donc le reflet. Mais, on remarque rarement que le seul des attributs de Dieu alors mentionné à cette étape du récit est sa capacité à créer. Dieu nous apparaît d’abord comme le Créateur et c’est à cette image qu’il nous fait.

Pourquoi Dieu aime toutes les formes d’art?

Pour continuer sa théologie de l’art, Ryken rappelle que Dieu aime toutes formes d’art. Il n’en est pas une qui soit mieux qu’une autre. Pour construire le tabernacle, Dieu a appelé et qualifié deux artistes, Betsaleel et Oholiab. Ces artistes étaient qualifiés pour « toutes sortes d’ouvrages. Par exemple, la Bible nous dit que Betsaleel était inventeur, orfèvre, sculpteur, menuisier… (Ex 31.3-5). Alors que certains n’excellent que dans un domaine, le fait que Dieu ait donné à ces deux artistes d’être pluri-disciplinaires montrent que Dieu aime les multiples formes que peut prendre l’art.

Ryken souligne ensuite les trois dimensions du travail visuel de Betsaleel et Oholiab: symbolique, figuratif et abstrait. Le symbolique, explique-t il, utilise une forme physique pour exprimer une réalité spirituelle. Le figuratif représente des choses telles que nous les connaissons et l’abstrait s’extirpe des besoins de la représentation, pour n’être que forme ou couleur. Cette diversité dans le travail de ces artistes témoigne, pour l’auteur, de cette diversité artistique. Cette même diversité se trouve dans la Bible, par exemple concernant la musique – genre musicaux variés et multiples instruments –ou la littérature– avec toutes les formes comme le narratif, les psaumes, les lamentations, les proverbes, les paraboles, les épîtres etc.

En somme, Ryken souligne ce qui semble encore un problème pour beaucoup, à savoir l’idée que certaines formes d’art seraient meilleures –plus saintes– que d’autres. Cette fausse vue découle d’une vision du monde qui sépare le monde en deux réalités; d’une part le séculier, d’autre part le sacré. Une telle dichotomie pourrait exclure un pan entier de l’art, soit à cause de ses formes, qui ne respecteraient pas un certain standard (alors qu’on voit ici que Dieu aime la diversité) ou parce que produit par des gens qui ne sont pas chrétiens. Mais ce serait oublier une réalité:

Ce soit-disant art séculier est une exploration du monde que Dieu a créé, qui par conséquent a sa place pour approfondir notre compréhension de la personne de Dieu et de son œuvre. p. 34

Pourquoi il y a des normes objectives en art?

Bien que Dieu aime la diversité dans les arts, cela ne veut pas dire pour autant que tout est bon. Ryken va définir trois standards absolus pour l’art: le bon, le vrai et le beau. Ce faisant, l’auteur affirme aussi qu’une vision biblique des arts, s’exprimant en absolus, s’oppose au postmodernisme qui dit qu’il n’y a pas d’absolu.

Le bon est à la fois un standard éthique et esthétique. La moralité est composante du bon comme standard éthique. En même temps, le bon s’exprime aussi en tant que catégorie esthétique; tout ce que l’artiste fait doit être le meilleur de lui-même et doit viser un travail excellent.

Un deuxième critère est le vrai. Comme dit l’auteur: « L’art est l’incarnation de la vérité. Il pénètre la surface des choses pour les dépeindre comme elles sont vraiment. Tout art communique, de différentes manières. Que ce soit par une histoire, des propositions. Dans tous les cas, l’art n’est seulement vrai que s’il pointe d’une manière ou d’une autre vers l’histoire véritable du salut: création-chute-rédemption. On peut montrer les choses telles qu’elles sont, à condition de montrer ce qu’elles devraient être ou ce qu’elles pourraient devenir.

Enfin, l’art doit être beau. Cela peut paraître à contre courant de ce monde qui étale une esthétique de la laideur. Alors qu’elle était pour les artistes d’autrefois une priorité, la beauté semble maintenant le cadet des soucis des artistes contemporains. Reprenant l’exemple du tabernacle, force est de constater que la forme était aussi important que la fonction et que la beauté était une des caractéristiques du lieu. Le problème de l’art moderne et postmoderne en général est qu’il offre la vérité aux dépens de la beauté, alors que « l’art chrétien » a souvent le problème opposé. Un équilibre est à trouver, parce que l’un ne va pas sans l’autre.

Pour résumer, l’art doit refléter le caractère de Dieu qui est bon, vrai et beau.

Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées. Ph 4.8

La laideur du péché, si elle est dépeinte, doit être balancée par la beauté de ce que nous étions, ce que nous sommes et ce que nous pouvons devenir en Christ. Alors que le monde est entaché par la laideur du péché, l’art du chrétien doit montrer la plausibilité de la rédemption en Christ, pour reprendre une idée de Schaeffer.

La question à poser face à toute création artistique: qui est glorifié?

En fin de compte, le but ultime de l’art est le même que celui de toute autre de nos activités. Il ne vise pas notre propre satisfaction mais le service des autres et la gloire de Dieu. Bien sûr, la principale tentation à laquelle nous soumet l’art c’est de réserver à autre chose qu’à Dieu notre adoration. C’est le travers bien connu de la création adorée à la place du Créateur. Cela ne signifie pas cependant que l’art à la louange de Dieu ait forcément une dimension utilitaire ou une mention explicite de l’Évangile. Le fait que Dieu nous ait fait pour apprécier la beauté suffit. Par exemple, Ryken rappelle que des éléments du tabernacle étaient purement décoratifs. Aussi, pour éviter à l’artiste comme à ce qu’il crée de voler la gloire dévolue à Dieu, Ryken propose de toujours se rappeler que le talent est un don de Dieu et surtout de ne pas être un artiste isolé, aux marges de la communauté chrétienne. Il somme plutôt d’être entouré de cette dernière, d’accorder la priorité à sa relation avec le Seigneur et d’offrir à sa louange son art. Comme le dit Schaeffer:

L’art chrétien est l’expression de toute la vie de toute la personne qui est un chrétien. Ce qu’un chrétien dépeint dans son art est la totalité de la vie. p. 52

Myriam – Pourquoi j’ai eu envie de lire ce livre

Toute petite, j’ai eu la chance d’être éveillé à l’art par ma maman, en particulier aux arts plastiques. C’est quelque chose que j’ai continué à cultiver à l’adolescence et aujourd’hui. Quand je me suis convertie, j’ai commencé à me poser beaucoup de questions sur la relation entre l’art et la foi. J’ai presque été élevée selon le principe que c’était l’art, la recherche du beau qui donnait un sens à l’existence humaine, ou du moins qui la rendait supportable! Bref, j’avais besoin de repères sur les raisons pour lesquelles Dieu nous avait donné ce désir de créer ou d’apprécier ce que d’autres créent. Je me demandais aussi comment m’y retrouver, selon quels critères juger tout ce qui est proposé, surtout à une époque où tout est censé se valoir, où tout est question de subjectivité. À titre personnel, c’est donc plus comme observatrice que comme artiste que j’ai eu envie de lire Art for God’s sake. Cependant, ce livre mérite qu’on s’y intéresse sans être un artiste professionnel, ni même un visiteur de musée ou un spectateur d’opéra chevronné car dès les premières pages Ryken rappelle à juste titre qu’au quotidien nous faisons tous des choix d’ordre esthétique. Ne serait-ce que quand on aménage notre chez nous. De même, même si nous ne sommes pas une multitude à vivre de notre art, nous sommes nombreux à avoir au moins un loisir qui touche de près ou de loin à l’esthétique: chant, écriture, peinture, photographie ou cinéma… Alors, ça vaut quand même le coup de demander à Dieu ce qu’il a à nous dire puisque ce que nous croyons au sujet de l’art est fondé sur ce que nous croyons au sujet de Dieu.

Matthieu – Pourquoi j’ai eu envie de lire ce livre

À la base, j’ai une formation en art: Bac Arts Appliqués, diplôme des Beaux-arts suivis d’études en histoire visuelle. L’art fait donc partie intégrante de ma vie, puisque j’ai passé une bonne partie de celle-ci à me former pour devenir artiste. Aussi, lorsque je me suis engagé dans des études de théologie, il était très important pour moi d’avoir une réflexion théologique de l’art. Au-delà de la question de la légitimité de l’art, qui est très vite établie, on doit surtout poser un regard biblique sur les arts. En d’autres mots, l’art est partout, il nous entoure et il nous faut avoir une vision biblique qui nous permet de l’évaluer et de l’apprécier pour ce qu’il est ou ce qu’il devrait être. J’ai déjà lu quelques livres sur le sujet, il m’a semblé intéressant de rajouter celui-là à ma bibliothèque. Il offre une perspective qui complète d’autres livres que j’ai pu lire, comme Art and the Bible de Schaeffer par exemple ou Imagine de Steve Turner (en français). Chacun devrait avoir une vision biblique de l’art, parce qu’il est inévitable que nous y soyons confronté; nous en rencontrons chaque jour.

Alors, pourquoi lire ce livre?

Rien de tel que de laisser parler le livre pour répondre à cette question:

L’art a un pouvoir incroyable pour façonner la culture et toucher le cœur humain. Ses objets traduisent les idées et les désirs de la génération à venir. Cela signifie que ce qui se produit dans l’art aujourd’hui est prophétique de ce qui arrivera dans notre culture demain. Cela signifie aussi que lorsque les chrétiens abandonnent la communauté artistique, nous perdons une opportunité importante de communiquer Christ à notre culture. p. 14

Art for God’s sake est disponible sur Amazon France (5,36€), USA ($5,99) et sur The Book Depository (5,19€).

Pour aller plus loin:

Matthieu Giralt

Matthieu Giralt est cofondateur du ToutPourSaGloire.com. Il est pasteur dans l’Est de la France. Il est titulaire d’un DNSEP de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux, et d’un Master de recherche de la Faculté Jean Calvin. Il est le mari d’Alexandra, ils ont deux fils.

Ressources similaires

webinaire

Comment avoir une vision biblique du monde et de la culture?

Découvre le replay du webinaire de Raphaël Charrier et Matthieu Giralt (Memento Mori) enregistré le 24 octobre 2018.

Orateurs

M. Giralt et R. Charrier