Et si le but de la prédication n’était pas d’apprendre quelque chose?

Vie d’ÉgliseCulte communautairePrédication et enseignement

En évoquant la prédication du culte collectif, j’ai pu parfois entendre (ou moi-même penser): “Aujourd’hui, je n’ai rien appris.” Cette remarque dévoile nos intentions: pour qu’une prédication soit bonne, il faudrait apprendre quelque chose de nouveau.

On peut imaginer les conséquences sur le prédicateur. En effet, si la qualité d’une prédication dépend du degré de nouveauté, il pourrait tomber dans deux ornières: (1) celle de chercher à dire des choses qui n’ont rien à voir avec le texte qu’il expose, ou (2) dire des choses qui sont dans le texte, mais qui sont secondaires.

Cette façon de penser peut révéler un rapport plus large à l’Écriture, où nous la lirions pour y trouver quelque chose d’inédit. Cela peut également révéler un rapport biaisé à la maturité chrétienne, où la croissance deviendrait synonyme de connaissance. Avec cette manière de voir, pour grandir, je dois en savoir plus. Ou pire, plus j’en sais, plus je grandis.

Cette pensée participe également à ce que j’appelle "l’exotisme chrétien": la vie chrétienne est une recherche constante de nouveauté, où l’on veut absolument goûter quelque chose de nouveau, apprendre de nouvelles choses ou vivre de nouvelles expériences.

Cette passion de la nouveauté n’est pas nouvelle. Elle était déjà décriée par C. S. Lewis qui en fait, dans Tactique du diable (lettre 25: “De l’horreur des "éternelles mêmes choses"”), l’une des armes préconisée par Screwtape pour détourner le jeune chrétien:

Cette aversion pour "toujours les mêmes choses" est une des passions les plus utiles que nous ayons produites dans le cœur humain. C’est une source intarissable d’hérésie en matière de religion. (…) Comme nous repérons chez certains le plaisir qu’ils ont à manger et à boire et l’exagérons pour qu’il dégénère en gourmandise, ainsi nous exploitons chez d’autres le goût inné du changement pour le déformer en une véritable passion de la nouveauté.

Ce désir de la nouveauté fait dévier notre attention. Au lieu de nous concentrer sur ce que Dieu nous dit, nous nous concentrons sur ce que nous ne savons pas encore. Au lieu d’être centrés sur Dieu, nous devenons centrés sur nous-mêmes.

Pour en revenir au sujet de la prédication, je pense que notre problème se situe dans notre manière de la définir. Nous sommes beaucoup à confondre information et communication. L’information est unidirectionnelle: on donne une information. Celui qui la reçoit a appris quelque chose, c’est le but d’informer quelqu’un. En revanche, la communication est bidirectionnelle: on parle à quelqu’un et on attend une réponse.

La Bible n’est pas une somme d’informations que Dieu voudrait nous donner, et que nous devrions découvrir. La Bible est un message de Dieu. Comme toute révélation de Dieu, la Bible attend une réponse de notre part.

Dans Les sciences du langage et l’étude de la Bible, Sylvain Romerowski souligne (p. 574-575):

Un discours dans son ensemble possède aussi une fonction. (…) Le but d’un auteur n’est pas simplement de communiquer une information. Surtout dans la Bible. Son but est de susciter une certaine réponse chez ses lecteurs. Comprendre un texte, c’est donc déterminer ce que l’auteur attendait de ses lecteurs en réponse à celui-ci.

Quand Dieu se révèle, il attend une réponse de notre part. Dès lors, la bonne question à se poser n’est pas: “Qu’ai-je appris ce matin?”, mais plutôt “Que m’a dit Dieu ce matin?” suivi de “Et comment puis-je y répondre avec foi?”.

Considérer le texte biblique comme un message de Dieu libère le prédicateur: son seul rôle est de communiquer fidèlement le message de Dieu en rendant clair ce que Dieu révèle dans sa parole (exposition) et ce qu’il attend de nous en réponse (application).

Cela change également notre manière de lire la Bible. Nous ne serons plus fatigués ou blasés de relire les mêmes choses, mais émerveillés que Dieu nous parle encore toutes les fois que nous ouvrons sa Parole.

Voilà le chemin de la croissance et de la maturité: ne pas rechercher sans cesse quelque chose de nouveau, mais chercher à toujours mieux répondre au message que Dieu nous adresse.

Matthieu Giralt

Matthieu Giralt est cofondateur du ToutPourSaGloire.com. Il est pasteur dans l’Est de la France. Il est titulaire d’un DNSEP de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux, et d’un Master de recherche de la Faculté Jean Calvin. Il est le mari d’Alexandra, ils ont deux fils.

Ressources similaires

webinaire

Comment organiser des cultes pour chrétiens et non chrétiens?

Ce replay du webinaire de Stéphane Kapitaniuk et Franck Godin a été enregistré le 3 juillet 2018.

Orateurs

F. Godin et S. Kapitaniuk